INTERVIEW VIDEO
L’art contemporain : on aime ou on déteste ?
Idan nous partage sa vision de la scène artistique contemporaine.
Rencontre avec Idan Wizen autour d’un sujet large et flou pour la plupart : l’art contemporain. L’artiste photographe nous donne sa vision et partage avec nous ses coups de cœur et ses inspirations.
EN SAVOIR PLUS
Vous préférez lire que regarder une vidéo ?
Tête à tête avec l’artiste Idan Wizen
Bonjour, je suis Idan Wizen, artiste-photographe, basé à Paris. Je travaille en France, mais également à l’international, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Asie.
Te considères-tu comme un artiste ou un photographe ?
J’ai envie de dire les deux. La photographie c’est le médium que j’utilise au quotidien. Je ne fais pas de peinture, je dessine très peu, en général, c’est uniquement pour préparer des photographies que je vais faire. Je commence à me mettre à la sculpture, mais ce qui m’a fait connaître et ce qui me permet de travailler au quotidien, c’est l’appareil photo, c’est la photographie, c’est la gestion de la lumière derrière.
Artiste c’est la finalité de mes œuvres photographiques. On peut faire de la photographie pour dire plein de choses : on peut faire du reportage, la photo du mariage, on peut faire de la photo publicitaire. Il y a plein de finalités quand on fait de la photo, et c’est à l’auteur d’en décider le pourquoi et le contexte.
Dans mon cas, je photographie avant tout pour créer des images fortes, qui vont être exposées en galeries, chez des collectionneurs, qui sont là pour être mis en tirages, en grands formats, mais qui sont avant tout là pour provoquer une émotion particulière et unique chez le spectateur.
Donc, de ce point de vue-là, je suis un artiste.
Que penses-tu de l’art contemporain ?
C’est une question assez bateau, parce que c’est large l’art contemporain. Souvent on va entendre des gens qui vont dire qu’ils adorent ou qu’ils détestent l’art contemporain avec des positions très tranchées. Je pense que dans l’art contemporain il y a de tout. Il y a des choses exceptionnelles devant lesquelles j’adore m’émerveiller et que je vais regarder avec passion, avec envie, avec émotions. Il y a des choses extrêmement fortes. Et puis, comme dans tout secteur, il y a des choses forcément moins bonnes. Des fois, on va pousser le principe du conceptuel un peu trop fort, où on a retiré l’esthétisme, en disant que la forme ça n’était pas l’essentiel, mais que c’était le fond. Des fois, le fond peut être aussi léger, et donc il ne reste pas grand chose.
C’est comme tout. Comme dans le cinéma, où il y a de très bonnes choses, et des choses que je vais trouver moins bonnes. Dans la musique également. Je crois que l’art contemporain, c’est très large, et qu’il faut les choisir et voir ce qu’on aime et ce qu’on n’aime pas pour chaque personne.
Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Il y a une première personne que je me sens obligé de citer à chaque fois, parce que c’est lui qui m’a donné de faire de l’art, de faire de la photographie. C’est David La Chapelle. Ses images fortes, colorées, puissantes, pleines de sens, de sens caché également. J’ai toujours été en émerveillement devant, et c’est une de mes références principales.
Mais pour citer également un français, j’aime beaucoup le travail de Gérard Rancinan, que je suis depuis des années, que je trouve magnifique.
D’autres grands noms, comme Jill Greenberg ou Sacha Goldberger, me plaisent énormément, et ce sont des gens qui m’inspirent.
Du coup, dans l’art contemporain tu préfères que les artistes-photographes ?
Non, pas forcément. C’est vrai que j’ai tendance à citer des photographes, parce que ce sont eux que je suis d’avantage. Mais il y a forcément des artistes que j’aime beaucoup. Banksy, par exemple. Je ne suis pas d’accord avec toutes ses prises de position, mais je les trouve très fortes et très pertinentes.
J’aime beaucoup l’influence japonaise comme Murakami ou Kusama. Et puis quelqu’un qui est entre la photographie et l’installation, c’est Spencer Tunick, où j’ai toujours été admiratif de son travail.
Qu’est-ce que l’art pour toi ?
L’art pour moi, c’est quelque chose qui est difficile à définir. Il y en a beaucoup qui ont essayé avant moi. Ce qui est important à comprendre, c’est que souvent quand on dit “art”, dans la tête des gens ça va être associé à la qualité. Pour moi l’art c’est un état de ce que c’est, c’est une œuvre d’art, bonne, mauvaise, peu importe. Il ne faut pas confondre “œuvre d’art” et “chef-d’œuvre“. Ce que beaucoup vont faire.
Je pense qu’une œuvre d’art c’est avant tout c’est quelque chose qui émane de l’auteur, il y a réellement une volonté de proposer une vision différente, alternative, sa propre vision des choses, et de les faire partager avec son public.
Est-ce que la photographie c’est de l’art ?
Oui, bien entendu. La photographie c’est de l’art. J’aime à croire que le médium ne va pas vraiment définir l’art. C’est avant tout, une forme d’expression, quel que soit le médium, que ça soit de la peinture, de la sculpture, de la photographie, de l’installation, de la vidéo. Aujourd’hui, on peut voir l’art sous de nombreuses formes différentes, mais la photographie n’est pas forcément de l’art. Je vais être un petit peu direct. Quand vous prenez une photo avec votre téléphone et que c’est juste pour envoyer à votre copain pour faire un souvenir, ce n’est pas de l’art. Ça peut être une photo, vous en êtes l’auteur ou l’autrice, mais ce n’est pas forcément de l’art. Pour qu’il ait un art, il faut qu’il y ait une véritable volonté d’en créer une œuvre.
Qu’est-ce que l’art de qualité selon toi ?
Pour moi, l’art que j’apprécie, c’est l’art qui va réunir deux aspects. Avant tout, une idée, un fond qui va être fort, qui va proposer un point de vue différent, une réflexion sociale, sur l’humain, psychologique, peu importe la thématique, mais en tout cas une réelle réflexion.
Le deuxième point, c’est d’avoir un esthétisme qui soit étonnant, attractif pour l’œil, qui accompagne la réflexion proposée par l’œuvre. C’est quand on combine ces deux éléments là qu’on a une œuvre de qualité.
J’ai presque envie de dire, pour faire une comparaison avec un roman : il faut que l’intrigue, l’histoire du roman soient intéressantes, puis derrière c’est quand même mieux si c’est bien écrit, si les phrases sont bien tournées. On rentre dans l’histoire plus facilement, on a envie de connaître la fin de l’histoire. Si c’est mal écrit, on s’arrête, en général, au début.
Qu’est-ce qu’il faut pour être un bon artiste ?
Ça dépend dans quel sens on parle. Avant tout, un bon agent, une bonne galerie !
Je pense, beaucoup de travail, beaucoup d’abnégation. Je crois qu’aujourd’hui c’est très difficile de percer, on a l’impression qu’on est dans un monde extrêmement connecté, où on peut montrer son travail à tout le monde extrêmement facilement. Mais dans le brouhaha de l’information qu’on va avoir, on se noie dedans, et c’est beaucoup plus difficile de montrer ce qu’on fait.
La principale qualité pour être un bon artiste, c’est beaucoup de travail, beaucoup d’abnégation, beaucoup de remise en cause, continuer à essayer, à travailler et à faire !
Est-ce qu’il existe une recette pour réussir ?
Bien sûr, vous m’envoyez un mail et je vous l’enverrai en retour !
Non, je crois qu’il n’y a pas de recette. Il y a des destins de vie, un peu de chance, un hasard des choses, il y a beaucoup de travail. Il y a beaucoup de choses, mais je crois que déjà on n’a même pas défini ce que c’est de “réussir”. C’est très large comme question.
Je crois qu’un artiste, avant tout, doit continuer de se faire plaisir en créant, et c’est le plus important.